Point de départ

Publié le par Sébastien Mallet

La présentation sera succincte : « Sur la rive » est un blog en marge du cours de philosophie que je donne en Terminale au lycée Augustin Thierry à Blois.
 
Parce que les bonnes idées sont faites pour être reprises, je me suis emparé sans scrupule du projet d’accompagner un cours par un blog.
Mais l’honnêteté intellectuelle exige quand même que j’indique d’où m’est venue cette idée : il s’agit d’« un autre regard », porté par un ami, professeur de physique en PCSI à Périgueux.
 
Ce premier billet n’a donc rien d’un commencement, à l’image de ce blog inscrit dans la continuité de plusieurs années de cours précédentes ainsi que de lectures, de réflexions et de discussions.
 
Je tâcherai d’y éviter toute « blogorrhée » — du moins consciemment —, ce qui ne signifie pas pour autant que les billets seront nécessairement courts.
Certains me donneront l’occasion d’apporter des textes en complément du cours de philosophie.
 
En voici un premier, sur le commencement en philosophie. Ce que dit Bachelard des premières pages d’un livre peut s’étendre à d’autres travaux.
 
 « Pour un philosophe, les premières pages de son livre sont difficiles et graves, car elles l’engagent trop. Le lecteur les veut pleines, claires, rapides, faute de quoi il les taxe de littérature. Le lecteur veut aussi qu’elles lui paraissent directes, c’est-à-dire rattachées à ses propres problèmes, ce qui suppose un accord des esprits, accord que la tâche du philosophe est précisément de mettre en question. »
Gaston Bachelard, Le droit de rêver, « Fragment d’un journal de l’homme »
(Paris, PUF Quadrige, 1952 pour le texte, 2001, p. 233)
 
Le schéma entre le philosophe et son lecteur devient plus complexe, lorsqu’on y ajoute le professeur de philosophie et ses élèves — deux catégories qui ne se superposent pas exactement aux deux premières.
Pourtant, certains traits se retrouvent, en particulier sur les attentes des élèves à l’égard du cours de philosophie.
 
« La première page est à peine achevée, et voici le fil en filière. On n’a plus le temps de se reprendre, de rectifier, de recommencer. Et, pourtant, si la philosophie est l’étude des commencements, comment s’enseignera-t-elle sans de patients recommencements ?  Dans l’ordre de l’esprit, commencer, c’est avoir la conscience du droit de recommencer. La philosophie est la science des origines voulues. À cette condition, la philosophie cesse d’être descriptive pour devenir un acte intime.
            Aussi, comme on aurait besoin de quelques mesures pour rien ! et du droit à une longue ouverture. On y dirait tout simplement la joie de méditer, pour bien prendre conscience que la méditation est un acte, l’acte philosophique. (...) Toutes les pensées, les graves et les fines, les passionnées et les froides, les rationnelles et les imaginaires, feraient leur partie dans cette partie méditée. On douterait avec son esprit ou avec son cœur, savamment ou naïvement, méthodiquement ou hyperboliquement, sincèrement ou par frime. Déjà l’on préluderait aux grandes scènes quand l’univers et l’homme seul échangent leur lumière ou leur défi, quand l’homme s’écrase ou méprise. On chanterait le philosophe aux champs, le philosophe dans sa cellule, en liesse, en larmes. Le temps serait jeunesse et mort, point d’orgue. Il saurait se suspendre. Il serait celui par qui tout recommence, tout s’étonne. Soudain l’on se demanderait : où suis-je, moi qui suis ? (...) Quel est cet étrange caractère de la pensée philosophique qui rend étonnant le familier ? Quel est cet étrange chemin des philosophes où tout point est carrefour ? La pensée philosophique est hésitation continue, très sourde, même lorsqu’elle a les pompeuses assurances dogmatiques. »
(Ibid.)
 

Publié dans Remarques

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