Maquillage

Publié le par Sébastien Mallet

 
Ce qui se dit du masque peut se prolonger sur le maquillage.
 

            « En changeant le dessin des traits et en leur adjoignant de minces traces colorées, le maquillage modifie leur tonalité, il adoucit ou durcit, voile ou met en évidence. Ce faisant il dispense des touches non seulement sur le visage qu’il met en scène, mais aussi et surtout sur l’image que la femme souhaite donner aux autres. Et selon son ouvrage, il offre une image, mais dont il n’est pas tout à fait sûr que ce soit celle qu’elle voulait donner. Car l’ambivalence peut se glisser là aussi, comme dans tout ce qui a trait à la relation intime à l’image de soi. La séance de maquillage se déroule tout entière sur la scène de l’imaginaire. »
David Le Breton, Des visages. Essai d’anthropologie, chap. 6
(Paris, Éditions Métailié, Suites Sciences Humaines, 2003, p. 225)
 
            David Le Breton rappelle alors, dans les grandes lignes, les traditionnels jugements sur le maquillage.
            Sans compter ses accointances avec les métiers de la séduction, le maquillage fut longtemps considéré comme malsain : les substances employées étaient d’ailleurs souvent nocives pour la peau. Les soupçons ne tardent pas à s’éveiller : « La femme qui se farde doit probablement vouloir dissimuler quelque imperfection, car la beauté naturelle n’a besoin d’aucune retouche » (Ibid., p. 227).
            Mais, à l’inverse, « la femme qui n’est pas attentive aux soins de beauté est soupçonnée, au moins dans certains milieux, de dérogation à un lien social dont l’épaisseur se dissout et qui fait de l’apparence sa profondeur la plus grande. Surtout en ce qui concerne le visage, vulnérable au regard sans complaisance de l’autre » (p. 229).
 
            On en est ainsi venu à l’idée paradoxale d’un maquillage naturel :
            « (...) Un maquillage qui sublime la peau, se marie à l’épiderme, n’a pas pour objet de tromper, mais de révéler : on croirait une réfutation en règle des principales objections à sa pratique retenues par la tradition. Le maquillage accouche de la « vraie beauté », avec naturel car il se confond au corps, il est « authentique », et bien sûr, « il aide à être soi-même ». Formule magique de l’individualisme démocratique qui caractérise notre époque. » (p. 230)
 

            La question de l’image de soi, où l’on se montre en se cachant — et réciproquement —, renvoie à la conception que l’on se fait du corps.
 
            « (...) L’éloge du naturel repose sur un refoulement du corps, l’occultation de ses traces, de son vieillissement, de sa mort en suspension. Sublimer la peau est une manière élégante de dire qu’il faut effacer tout travail du corps. La modernité n’est guère hospitalière à la corporéité, elle la tolère pensée sur le modèle de la machine ou épurée de toute trace d’organicité. » (p. 230)
 

Publié dans Conscience

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Q
Beau billet comme d'habitude ;-)<br /> Effacer les rides, supprimer les odeurs, épiler les poils, tous les poils, et les cheveux blancs, pratiquer un... gommage : "être soi-même" ou comment devenir lisse et transparent, transparent comme la vitre de la boutique, lisse comme le manequin qu'elle protège.
Répondre